Le digital au service de la pair-aidance

La pair-aidance, ou l’entraide entre personnes partageant des expériences similaires, bénéficie aujourd’hui d’un essor important grâce au digital. En facilitant la mise en relation, l’échange d’informations et l’accompagnement, le numérique transforme la pair-aidance et en amplifie l’impact. Tour d’horizon des usages numériques au service de la pair-aidance.

En facilitant la mise en relation, l’échange d’informations et l’accompagnement, le numérique transforme la pair-aidance et en amplifie l’impact.
En facilitant la mise en relation, l’échange d’informations et l’accompagnement, le numérique transforme la pair-aidance et en amplifie l’impact. (Crédit : Adobe Stock)

La pair-aidance repose sur l’entraide entre personnes ayant des expériences similaires, qu’il s’agisse de maladies chroniques, de handicaps, d’addictions ou encore de troubles psychiques. Ce type de soutien, fondé sur l’écoute et le partage, permet aux individus concernés de mieux traverser leurs difficultés et de se sentir compris.

La Haute Autorité de Santé (HAS) définit le terme de « pair-aidants » pour « désigner des personnes ayant été confrontées à des situations particulières de vie (troubles psychiques, parcours de migration, sans-abrisme) associées à un vécu douloureux et souvent stigmatisées socialement, et qui participent aux interventions sanitaires et sociales (soins, accompagnement, mise en place d’interventions, formation des professionnels…) en se fondant sur ce savoir expérientiel. »

On observe donc l’essor d’un métier de « pair-aidant » avec un cadre d’intervention et un statut spécifique définis au niveau national. Dans ce cadre la HAS a établit des recommandations où elle spécifie que « le développement de l’intervention des pairs ne peut se faire qu’au sein d’équipes et d’établissements sociaux, sanitaires ou médico-sociaux volontaires, engagés vers cet objectif. Les pairs-aidants doivent être soutenus dans leur développement et leur bien-être, qu’ils soient professionnels (salariés d’une structure ou d’une plateforme) ou bénévoles. »

Au-dela de ce statut officiel, on observe avec le numérique l’essor d’une pair-aidance plus informelle. Le digital facilite la mise en relation, l’échange d’informations et l’accompagnement, transformant ainsi cette pratique et amplifiant son impact.

Les réseaux sociaux comme facilitateurs

Les réseaux sociaux jouent un rôle clé dans l’évolution de la pair-aidance. Sur Facebook, Reddit ou Discord, des groupes de discussion permettent à des personnes concernées par les mêmes problématiques de se réunir et d’échanger librement.

Grâce à eux, l’entraide entre personnes partageant les mêmes problématiques est facilitée et démultipliée, ouvrant la voie à de nouvelles formes de soutien, plus flexibles et accessibles à tous. Leur impact se manifeste à travers plusieurs dimensions essentielles : la mise en relation rapide, la diversité des formats d’échange, la disponibilité permanente et la possibilité d’une aide anonyme et déstigmatisée.

Les réseaux sociaux permettent de connecter rapidement des personnes qui vivent des situations similaires, quelles que soient leur localisation ou leurs contraintes personnelles. Contrairement aux groupes de soutien physiques, qui nécessitent souvent une inscription préalable et une présence en un lieu donné, les communautés en ligne sont accessibles en quelques clics.

Des plateformes comme Patients en Réseau permettent aux patients et aidants de partager leurs expériences, des conseils sur le quotidien ou de recommander des pratiques ou praticiens. On retrouve également de nombreux groupes privés et publics sur Facebook où les membres peuvent échanger sur des sujets variés : maladies chroniques, santé mentale, précarité, parentalité, addiction, handicap, etc…

Les réseaux sociaux offrent également une diversité de modes de communication qui s’adaptent aux besoins et préférences de chacun. Le format le plus privilégié est aujourd’hui la vidéo avec des vidéos courtes de témoignages ou éducatives sur des plateformes comme TikTok et Instagram.

Ces canaux favorisent également une déstigmatisation de certaines maladies et du mal-être associé, notamment via l’anonymat. En effet, de nombreuses personnes hésitent à demander de l’aide en raison de la peur du jugement ou de la stigmatisation liée à leur situation. L’anonymat est particulièrement précieux pour les sujets tabous ou sensibles et permet de s’exprimer librement sans crainte d’être identifiés par leur entourage, favorisant ainsi une parole plus authentique et libératrice.

Des services de mise en relation et d’accompagnement

Au-delà des forums et réseaux sociaux, la visioconférence et le chat en ligne sont devenus des moyens essentiels pour maintenir un lien humain à distance. Des outils comme WhatsApp, Zoom ou Messenger permettent d’organiser des séances de soutien en direct, où l’échange devient plus personnalisé et interactif. Cette proximité virtuelle permet à certains d’exprimer plus facilement leurs émotions, tout en bénéficiant d’un accompagnement bienveillant.

Des plateformes favorisant la mise en relation entre patients ou l’accès à des pair-aidants émergent. On peut citer la plateforme Tomo qui a développé depuis 2020 une solution de prise de rendez-vous avec des pairs aidants, sélectionnés et formés, à destination des patients. La plateforme met en relation et les échanges s’effectuent en visio, téléphone ou présentiel de manière sécurisée et anonyme.

Ce type de service permet d’adapter l’aide aux besoins spécifiques de chaque patient. Contrairement aux groupes de soutien traditionnels où l’échange est collectif et parfois impersonnel, ces plateformes favorisent des discussions en tête-à-tête, ce qui permet d’instaurer une relation de confiance plus profonde. Cette approche ciblée évite les échanges trop généralistes et apporte des conseils concrets et éprouvés.

Autre point, trouver un soutien approprié peut être une démarche longue et difficile, notamment lorsque l’on ne sait pas vers qui se tourner. Ces services de mise en relation réduisent cette difficulté en automatisant le processus et en proposant rapidement des contacts adaptés. Plutôt que de parcourir des forums ou de tester plusieurs groupes d’entraide avant de trouver un espace correspondant à ses attentes, l’utilisateur bénéficie immédiatement d’une connexion pertinente et optimisée. Cela accélère l’accès au soutien, évitant aux personnes en détresse de se décourager ou d’abandonner leur démarche.

De programmes et nouveaux canaux d’information

Les associations de patients ou établissements de soin proposent progressivement des programmes de pair-aidance et utilisent les canaux digitaux pour informer les patients et partager des contenus éducatifs.

On peut citer le programme « Le partenariat en santé » du GHU Paris qui s’appuie sur le vécu de l’usager, du patient pour avoir un impact sur les soins. Des rencontres en présentiel et des webinars sont proposés en s’appuyant sur des pair-aidants « professionnels ».

Autre exemple avec l’association AFA Crohn – RCH France qui propose de nombreux outils pour accompagner les patients et aidants via des Forums, webinars ou sur les réseaux sociaux. À noter la plateforme MICI Connect qui propose des services et un un programme d’accompagnement conçus par les malades pour les malades.

Le webinar est un format plébiscité par les pair-aidants car de part leur flexibilité et accessibilité, ils offrent aux pair-aidants et aux bénéficiaires des opportunités d’apprentissage, d’échange et de soutien dans un cadre interactif et sécurisé. Que ce soit pour se former, partager des expériences, sensibiliser ou renforcer les compétences, les webinars répondent aux besoins variés des communautés d’entraide.

Ils sont avant toute chose utilisés pour la formation des pair-aidants permettant d’acquérir des compétences spécifiques pour accompagner efficacement d’autres personnes en difficulté : techniques d’écoute active, communication bienveillante, communication non verbale, gestion des émotions…

Ils sont également utilisés comme un espace de partage d’expériences, où pair-aidants et bénéficiaires peuvent échanger sur leurs parcours et leurs stratégies de résilience permettant de rompre l’isolement, d’échanger des conseils et bonnes pratiques sur la gestion des défis quotidiens liés à une pathologie ou une situation difficile… Au-delà des formations théoriques et des sessions de témoignages, certains webinars prennent la forme d’ateliers pratiques pour aider les participants à mieux gérer leur quotidien.

Autre canal de communication : les podcasts qui sont devenus un support incontournable pour la diffusion d’informations et le partage d’expériences. Accessibles à tout moment, en mobilité et souvent réalisés dans un format intimiste, les podcasts permettent de toucher un large public, qu’il s’agisse de pair-aidants souhaitant se former ou de personnes en quête de soutien et de témoignages inspirants.

L’un des usages principaux des podcasts dans le cadre de la pair-aidance est la sensibilisation du grand public et des professionnels aux enjeux de l’entraide entre pairs. Ils offrent également un moyen efficace de lutter contre les tabous et les stigmatisations. Les témoignages authentiques de personnes ayant vécu des épreuves similaires aident à normaliser certains sujets souvent peu abordés dans les médias traditionnels, comme la bipolarité, l’addiction, la précarité ou le burn-out.

À titre d’exemple, le laboratoire MSD a lancé le podcast « Le jour où j’ai osé » avec des récits inspirants de courage et d’audace face à la maladie. On peut également citer le podcast « Face Au Soin » pour les aidants ou « Engagés ! Les patients en action » qui met en lumière ces héros du quotidien qui, malgré les épreuves de la maladie, ont décidé de se battre pour aider les autres.

Le digital apporte donc de nombreux bénéfices à la pair-aidance. Il rend le soutien plus accessible et permet de s’exprimer plus librement grâce à l’anonymat, réduisant ainsi la peur du jugement. De plus, la diversité des formats – que ce soit sous forme de discussions écrites, d’appels vidéo, d’applications interactives ou encore de podcasts – permet à chacun de choisir le mode de communication qui lui convient le mieux.

Rémy Teston
Consultant digital / Expert e-santé – Buzz E-santé