Le digital au service des transports médicaux

Le monde de la santé, comme le reste de la société, est fortement impacté par le numérique qui bouleverse les pratiques et les habitudes. Un domaine dont on parle peu fait face à une digitalisation grandissante : les transports médicaux. Décryptage de cette tendance.

Image générée par intelligence artificielle : transports médicaux, digital.
Les transports médicaux ne font pas figure d’exception et vivent eux-aussi une révolution digitale. (Crédit : Dall-E Open AI)

Le numérique est aujourd’hui omniprésent dans le monde de la santé aussi bien au niveau des établissements de santé, des praticiens, des industriels ou des patients. D’autres domaines sont impactés comme les transports médicaux qui connaissent ces dernières années une véritable révolution technologique avec l’émergence de nouvelles solutions pour optimiser le transport de personnes ou la livraison de produits de santé.

Partons d’une définition simple du secteur des transports sanitaires : il s’agit du transport d’un malade ou blessé via un mode adapté et assisté, soit suite à une prescription soit en cas d’urgence. On distingue deux grands modes de transports : ceux spécialisés comme les ambulances ou véhicules sanitaires légers (VSL) et ceux non spécialisés comme les voitures ou voitures particulières.

À cela s’ajoute le transport et la livraison de matériels ou produits médicaux, ou bien la gestion des transferts inter-hospitaliers.

Le digital pour optimiser la gestion des transports médicaux

Le secteur des transports sanitaires représente aujourd’hui 5.500 sociétés auxquelles viennent s’ajouter les 35.000 taxis conventionnés habilités à effectuer ce type de courses. La complexité de ce secteur repose sur la nécessité d’une synchronisation parfaite entre différents acteurs : les hôpitaux, les médecins, les patients, et les services de transport.

Historiquement, la gestion de ces flux patients reposait le plus souvent sur des méthodes manuelles, papier, ou des systèmes informatiques peu intégrés. Cette fragmentation pouvait entraîner des délais d’intervention, des erreurs de communication ou une mauvaise allocation des ressources. Dans ce contexte, la digitalisation se présente comme une solution à ces défis structurels, promettant une meilleure réactivité et un suivi optimisé des transports.

Des solutions digitales émergent au sein des établissements ou sociétés de transports pour notamment optimiser les ressources. Il est désormais possible d’optimiser, de manière quasi automatisée, l’affectation des véhicules et des équipes médicales en fonction de critères précis comme l’urgence du cas, la disponibilité des ressources ou la géolocalisation.

Les plateformes numériques déployées permettent un suivi en temps réel des ambulances ou des VSL via la géolocalisation, garantissant une traçabilité et une transparence accrues. Les hôpitaux, les patients et leurs familles peuvent suivre les trajets, connaître les temps d’arrivée estimés, et ainsi anticiper les étapes de la prise en charge. Ces outils favorisent une meilleure coordination et une meilleure coordination entre les établissements, services d’urgences, services de transports privés qui peuvent échanger des informations en temps réel, permettant une prise en charge plus fluide et mieux coordonnée des patients, notamment lors des transferts inter-hospitaliers.

À titre d’exemple on peut citer la start-up rennaise Silbo (anciennement Ambuliz) qui simplifie et optimise le parcours des patients à l’hôpital en intégrant notamment le volet des transports médicaux avec une solution de gestion des transports intégrée à l’établissement de santé, une application de gestion des courses côté transporteur, un service de réservation et de suivi pour le patient.

Du côté des urgences, l’intégration de plateforme numérique de gestion permet de réduire les délais d’intervention en affectant affecter les véhicules disponibles en fonction de critères d’efficacité ou du type d’intervention.

Pour les transports médicaux non urgents, les taxis conventionnés restent le mode privilégié en France. Aux États-Unis, Uber a compris ce besoin en lançant Uber Health permettant aux établissements médicaux de commander une course pour leurs patients. À travers cette solution Uber propose notamment une planification flexible des trajets (de quelques heures avant jusqu’à 30 jours), un accès pour les patients sans smartphone ni compte Uber et une conformité HIPAA (Health Insurance Portability and Accountability Act).

Les drones pour la livraison des produits médicaux

Les drones s’imposent progressivement comme un nouveau mode de transports. Les premières expérimentations de livraison par drones aériens ont commencé dans le domaine médical. Pourquoi un attrait pour les drones ?

Plusieurs raisons dont les principales sont la rapidité et la qualité du moyen de transport. Les produits santé (échantillons de sang, organes, etc.) sont des produits qu’il faut livrer en urgence, en respectant un délai fixé et sous température contrôlée. Un retard de livraison ou un écart de quelques degrés peuvent rendre le produit complètement inutilisable pour une analyse ou une opération chirurgicale. C’est pourquoi un drone équipé d’un packaging isotherme, exclusivement dédié aux transports santé et pouvant voler en ligne droite, sans contraintes de trafic est un véritable atout.

On observe différents cas usages pour accompagner les acteurs de santé. Le premier est d’apporter un nouveau service pour la biologie médicale. Les drones en biologie médicale apparaissent comme une nouvelle solution de transports permettant notamment d’offrir un service d’urgence 24 heures sur 24, sept jours sur sept, de simplifier les transports en s’affranchissant des embouteillages dans les mégapoles saturées, de mieux desservir des sites isolés ou éloignés ou de gagner du temps notamment dans le cadre de transport d’organes. À titre d’exemple, Matternet, une entreprise basée en Californie, collabore avec des hôpitaux en Suisse et aux États-Unis pour livrer des échantillons biologiques entre différents sites hospitaliers.

Autre usage : desservir des déserts médicaux ou zones isolées. Les transports autonomes comme les drones apparaissent comme une solution pour desservir en produits de santé des zones isolées ou de désertifications médicales. Par exemple, l’Unicef soutient des projets de livraison par drone de poches de sang, de matériel médical et de vaccins dans les pays où les infrastructures sont défaillantes ou inexistantes (Rwanda et Ghana). Les drones ont également été utilisés au cours de catastrophes naturelles pour transporter des kits de survie ou produits médicaux afin de soutenir les populations.

Sur ce sujet, les GAFAM restent en embuscade avec plusieurs projets initiés comme Google avec son entité Wing, qui a testé la livraison de produits de santé en Australie et en Virginie aux Etats-Unis ou Amazon et sa flotte Prime Air qui a mené des expérimentations en zone urbaine au Royaume-Uni.

Sur ce mode de transport, il existe toutefois un certain nombre de défis et limites comme la réglementation notamment au niveau des couloirs aériens, la capacité limitée (volume ou poids) ou les aléas météorologiques.

Prochaine étape : les véhicules autonomes ?

On observe progressivement l’essor de projets de véhicules autonomes, comme les navettes ou voitures, qui apportent un certain nombre d’avantages, notamment pour la livraison de produits médicaux : pas de mobilisation de personnel, transport sécurisé (détection des obstacles, vitesse limitée…) ou amélioration des transports sur site. Des expérimentations ont eu lieu pendant la crise sanitaire aux États-Unis avec le déploiement de navettes autonomes Navya qui réalisaient quotidiennement des allers-retours dans le centre médical Mayo Clinic en Floride afin de transporter des tests de dépistage du Covid-19, en évitant de mobiliser du personnel.

L’utilisation de ces navettes autonomes permet de limiter les interactions avec les échantillons ou prélèvements médicaux et de les transporter rapidement à travers un centre hospitalier ou différents établissements sans réquisitionner du personnel médical. Ces navettes facilitent également le transport de patient à l’intérieur d’un centre hospitalier.

L’annonce récente d’Elon Musk du lancement de ces robots taxi Tesla « Cybercab » pour 2026 (sans volants ni pédales) pourra apporter de nouvelles perspectives pour le transport sanitaire.

La technologie bouleverse donc le monde des transports, du transport de personnes aux médicaments, en passant par les prélèvements médicaux ou les organes dans le cas de greffe… De nouvelles solutions en expérimentation, comme les drones ou véhicules autonomes, apporteront de nouveaux services aux patients et établissements de santé.

Rémy Teston
Consultant digital / Expert e-santé – Buzz E-santé