Le jumeau numérique au service de la chirurgie
Dans le domaine de la santé, le concept de jumeau numérique se déploie progressivement dans de nombreux domaines. Focus sur les usages en chirurgie, de la préparation des interventions au bloc opératoire.
Débutons par une définition simple du jumeau numérique, concept forgé au début des années 2000 par le Docteur Michael Grieves, enseignant à l’Université du Michigan. Dans le monde industriel le jumeau numérique constitue la modélisation numérique d’un système réel. Véritable réplique virtuelle d’un objet physique ou d’un processus, il permet de reproduire des fonctionnalités similaires et de simuler fonctionnement et performance dans un cadre réel. Le potentiel champs d’application du jumeau numérique dans le domaine de la santé est très vaste, du diagnostic au thérapeutique.
La chirurgie est une discipline médicale où chaque détail compte. Les avancées technologiques ont toujours joué un rôle clé dans l’amélioration des résultats chirurgicaux et dans la sécurité des patients. Parmi les innovations importantes, le jumeau numérique devient un allié du chirurgien pour préparer et sécuriser les interventions.
Appliqué à la chirurgie, le jumeau numérique est une modélisation numérique d’une partie du corps du patient (par exemple, un organe ou un système physiologique) basée sur des imageries médicales comme les IRM, les scanners ou les échographies. Ce modèle virtuel peut être utilisé pour simuler, analyser et optimiser une intervention chirurgicale avant même qu’elle ne soit réalisée sur le patient.
Une entrée progressive en milieu hospitalier
Dans le monde hospitalier, on observe un usage croissant des jumeaux numériques. Appelée parfois jumeau médical, cette technologie est utilisée dans le cadre de la formation ou de la préparation d’interventions chirurgicales complexes. Cela permet notamment d’adapter l’intervention en fonction de chaque patient.
On peut citer comme exemple Visible Patient, un dispositif qui permet aux médecins d’avoir sous les yeux le clone médical en 3D du patient, avant l’opération. À partir de scanners ou d’IRM, la société modélise en 3D les organes du malade à opérer et en reconstitue chaque structure anatomique ou pathologique. Grâce à un logiciel de simulation préopératoire, le praticien peut prévoir et visualiser l’acte chirurgical adapté à son anatomie, évitant ainsi des erreurs thérapeutiques. Le dispositif fondé à l’Institut de recherche contre les cancers de l’appareil digestif (Ircad) de Strasbourg, est actuellement présent dans 24 hôpitaux et plus de 3.000 patients ont déjà bénéficié de ce système.
Parmi les champs d’applications, la planification préopératoire est optimisée avec le jumeau numérique. Les chirurgiens peuvent utiliser le jumeau numérique pour planifier des opérations complexes. En manipulant le modèle virtuel, ils peuvent simuler différentes approches chirurgicales, identifier les zones critiques et prévoir les défis potentiels. Cela réduit considérablement les incertitudes et les risques associés aux interventions.
Ces modèles peuvent être personnalisés pour chaque patient à partir des imageries du dossier médical. Cela permet notamment au chirurgien de préparer chaque intervention en fonction du positionnement des organes propre à chacun et d’optimiser l’intervention.
Autre usage, le jumeau numérique comme assistant du chirurgien au bloc opératoire. Pendant l’opération, le jumeau numérique peut servir de guide interactif. Couplé à des technologies comme la réalité augmentée, il peut superposer des informations critiques directement sur le champ opératoire, aidant ainsi les chirurgiens à naviguer avec précision.
Pour le suivi postopératoire, le jumeau numérique peut continuer à évoluer en intégrant de nouvelles données sur la récupération du patient. Cela permet de surveiller en temps réel la guérison, d’anticiper les complications et d’ajuster les traitements de manière individualisée.
Au-delà de la prise en charge du patient ou de la préparation d’une intervention, le jumeau numérique est de plus en plus utilisé dans la formation ou l’entraînement à de nouvelles techniques ou procédures. Ces modèles permettent aux praticiens de s’exercer dans un environnement simulé réaliste, reproduisant les spécificités anatomiques d’un patient donné. Cela renforce leurs compétences sans exposer les patients à des risques. Les jumeaux numériques permettent également de recréer des cas cliniques spécifiques, y compris des situations rares ou complexes.
Focus : la Chaire Innovation “Bloc OPératoire Augmenté” (BOpA)
Il s’agit d’une initiative collaborative visant à transformer le bloc opératoire par l’intégration de technologies numériques avancées et une approche centrée sur l’humain. La Chaire BOpA a pour ambition de moderniser le bloc opératoire en poursuivant deux objectifs principaux : promouvoir une culture où l’erreur est reconnue, analysée et utilisée comme levier d’amélioration continue ; et utiliser le numérique pour renforcer les compétences des professionnels de santé, améliorant ainsi la sécurité et l’efficacité des interventions chirurgicales.
Parmi les technologies explorées au sein de la Chaire BOpA, les jumeaux numériques sont utilisés autour de différents usages : simuler des interventions : les chirurgiens peuvent tester différentes approches avant l’opération, réduisant ainsi les risques et améliorant la précision ; anticiper les complications : les simulations permettent d’identifier les zones sensibles ou à risque ; personnaliser les soins : chaque intervention est adaptée aux caractéristiques uniques du patient ; encourager la coordination : les équipes chirurgicales peuvent simuler des interventions en groupe pour améliorer leur communication et leur efficacité ; reproduire des cas réels : les modèles numériques offrent une plateforme réaliste pour s’entraîner sur des scénarios cliniques complexes.
De nombreux avantages…
L’intégration des jumeaux numériques dans la chirurgie offre des avantages significatifs. Ils permettent de reproduire fidèlement l’anatomie et les caractéristiques uniques de chaque patient. Cela se traduit notamment par une meilleure planification préopératoire où les chirurgiens peuvent explorer différentes approches chirurgicales et identifier avec précision les zones sensibles ou à risque. Les simulations aident également à prévenir les erreurs humaines, particulièrement lors d’interventions complexes comme la neurochirurgie ou la chirurgie cardiaque.
Grâce à la modélisation numérique, les scénarios imprévus sont anticipés en amont, réduisant le stress et les décisions improvisées pendant l’opération. Les chirurgiens peuvent tester divers protocoles et techniques sur le modèle virtuel avant de les appliquer sur le patient, limitant ainsi les interventions inutiles ou les dommages collatéraux.
Autre avantage identifié : la personnalisation de la prise en charge. Chaque patient étant unique, le jumeau numérique permet une approche entièrement sur mesure. Le modèle s’adapte à la morphologie et aux caractéristiques biologiques propres à chaque individu. Les choix opératoires peuvent être adaptés en fonction de la pathologie et des besoins spécifiques du patient, offrant ainsi des traitements optimisés.
Dans l’accompagnement du patient, le jumeau numérique permet au chirurgien avec des représentations visuelles claires de mieux expliquer les interventions, les procédures et résultats attendus. Cela permet de rassurer le patient et de renforcer la confiance envers l’équipe chirurgicale.
Du côté du postopératoire, le jumeau numérique reste une ressource précieuse pour le suivi du patient. Il peut intégrer des données sur la guérison et détecter rapidement des anomalies ou complications potentielles. Il devient également un outil pour planifier efficacement la rééducation. Le modèle peut être utilisé pour concevoir des protocoles de réhabilitation adaptés, accélérant ainsi le retour à une vie normale.
On observe également un avantage dans la gestion des ressources médicales :
- Réduction des durées opératoires : une planification détaillée minimise les imprévus et accélère les interventions.
- Moins de réinterventions : grâce à une meilleure anticipation et exécution, le besoin de corriger ou de répéter une opération est significativement réduit.
- Optimisation des équipes et des équipements : les chirurgiens savent précisément ce dont ils auront besoin, réduisant le gaspillage et les coûts supplémentaires.
Enfin les jumeaux numériques s’intègrent parfaitement avec les autres technologies émergentes au sein du bloc opératoire comme la réalité virtuelle et augmentée qui aide les chirurgiens à visualiser en temps réel le jumeau numérique pendant l’intervention ou l’intelligence artificielle qui enrichi les modèles pour prédire les résultats ou recommander des ajustements chirurgicaux.
… et des défis
L’intégration des jumeaux numériques dans la chirurgie est une avancée prometteuse, mais elle comporte plusieurs défis qui nécessitent des solutions adaptées.
Le premier défi se situe au niveau de la collecte et de la qualité de la donnée utilisée. En effet, les jumeaux numériques reposent sur des données médicales de haute qualité (scans IRM, échographies). Une collecte incomplète ou des images de faible résolution peuvent nuire à la précision du modèle. Les variations entre les dispositifs d’imagerie, les protocoles et les établissements de santé peuvent aussi rendre difficile la standardisation des données.
Il existe également des défis techniques car la création et la mise à jour en temps réel d’un jumeau numérique nécessitent une puissance de calcul importante, souvent inaccessible dans de nombreux hôpitaux. D’autre part, traduire les données d’imagerie en un modèle virtuel précis et exploitable peut être complexe, surtout pour des structures anatomiques très fines ou des tissus mous.
Le coût peut également être un frein non négligeable aussi bien au niveau de l’acquisition des technologies (logiciels de modélisation, serveurs puissants, maintenance…) que des ressources allouées pour la formation des équipes à l’utilisation des jumeaux numériques.
Comme dans de nombreux domaines du numérique santé, l’adoption par le corps médical reste un défi majeur. L’utilisation d’un jumeau numérique nécessite une maîtrise des technologies numériques et des logiciels spécifiques, ce qui peut être un frein pour certains professionnels de santé peu familiers avec ces outils. Il est également nécessaire de mettre en place un accompagnement face à la réticence au changement que l’on retrouve souvent au sein des équipes médicales. Enfin, Les avancées rapides dans ce domaine obligent à une formation continue, ce qui peut être difficile à intégrer dans des plannings déjà chargés.
Les jumeaux numériques offrent un potentiel immense pour transformer la chirurgie en un domaine encore plus précis, sûr et personnalisé. Bien qu’il reste des défis à surmonter, notamment en termes d’infrastructure technologique et de formation, les bénéfices qu’ils apportent aux patients et aux professionnels de santé en font une révolution incontournable pour la chirurgie.
Rémy Teston
Consultant digital / Expert e-santé – Buzz E-santé
22 janvier 2025
Filab poursuit sa croissance dans les biothérapies
21 janvier 2025
La santé à l’honneur de la prochaine édition de tech&fest
17 janvier 2025
Langres dévoile les premières images de son nouvel hôpital
15 janvier 2025
Le second cycle des études en odontologie a ouvert à Dijon
10 janvier 2025
La France fait son show au CES 2025 !
23 décembre 2024
Le Rendez-vous : Le ON & OFF de l’année 2024 !
20 décembre 2024
10′ Chrono : La formation des acteurs de la santé à l’IA
19 décembre 2024
Radiothérapie : Avec Vision RT, L’ICB veut limiter l’irradiation
18 décembre 2024