Vers un véritable décollage de la télésurveillance

La télésanté a connu un véritable essor au cours des dernières années notamment par le biais de la téléconsultation. Un autre acte de télésanté connaît un usage grandissant : la télésurveillance. Focus sur cette nouvelle pratique de suivi des patients.

Avant d’analyser le déploiement et les usages de la télésurveillance, il convient de bien définir de quoi on parle. Pour le ministère de la Santé et de la Prévention, « la télésurveillance permet à un professionnel médical d’interpréter à distance, grâce à l’utilisation d’un dispositif médical numérique, les données de santé du patient recueillies sur son lieu de vie et de prendre des décisions relatives à sa prise en charge. »

Elle peut déjà être mise en place pour tout patient dont la prise en charge nécessite une période de suivi médical : elle est particulièrement adaptée aux personnes à risque d’hospitalisation ou de complication de leur maladie (pathologies chroniques, sortie d’hospitalisation etc).

La télésanté a connu un véritable essor au cours de ces dernières années. Entre autres applications, la télésurveillance. (Crédit : AdobeStock)

La télésurveillance suppose que plusieurs catégories de professionnels se coordonnent autour du patient pour effectuer un acte médical, fournir une solution technique ou encore assurer un accompagnement thérapeutique.

La télésurveillance, comme toute activité médicale, doit être réalisée dans des conditions qui garantissent la qualité et la sécurité de soins. Mais elle doit également respecter des exigences spécifiques :

  • la demande du consentement du patient avant la réalisation à distance d’un acte ;
  • le traçage de l’acte médical réalisé ;
  • l’obligation pour les outils numériques d’être conformes aux cadres juridiques applicables aux données de santé (RGPD, marquage CE).

De multiples objectifs au service du suivi des patients

La télésurveillance contribue à stabiliser la maladie, voire à améliorer l’état de santé par le suivi régulier d’un professionnel médical. En effet, celui-ci est alerté si nécessaire par les données de santé recueillies sur le lieu de vie de son patient, ce qui lui permet d’adapter la prise en charge au plus tôt et de mieux suivre l’évolution de la maladie.

Il convient donc de cibler les patients à risque d’hospitalisations récurrentes ou des patients à risque de complications à moyens et longs termes.

On observe donc plusieurs bénéfices :

  • une amélioration de la qualité de vie des patients avec un suivi médical plus personnalisé et régulier, tout en restant à domicile ;
  • une réduction des hospitalisations en détectant rapidement les signes d’aggravation et prévenant des hospitalisations évitables ;
  • une optimisation des organisation et réduction des coûts ;
  • une amélioration de l’efficacité des traitements avec un ajustement des traitements en fonction des données recueillies en temps réel, ce qui optimise leur efficacité.

Par ailleurs, la télésurveillance renforce la coordination des différents professionnels de santé autour du patient et vise l’amélioration de la qualité de vie par la prévention des complications et une prise en charge au plus près du lieu de vie.

Au-delà de ça, il s’agit aussi d’une évolution de la pratique médicale dans le suivi de certaines pathologies. Les médecins, infirmiers et autres professionnels de santé peuvent désormais accéder à des données en continu, ce qui modifie leur manière d’interagir avec les patients. Le rôle du soignant évolue : il ne s’agit plus uniquement de réagir aux symptômes exprimés lors des consultations, mais d’anticiper les problèmes grâce aux données collectées en temps réel.

Cela a donc un impact organisationnel et nécessite le déploiement de formation auprès des professionnels de santé à l’utilisation de ces nouveaux outils. La question de l’intégration des plateformes de télésurveillance dans les systèmes d’information hospitaliers et la gestion des données patient pose également des défis techniques et éthiques, notamment en matière de confidentialité et de sécurité.

Il existe bien sûr plusieurs défis et notamment les inégalités d’accès à Internet, principalement dans les zones rurales ou auprès des populations âgées. Les autorités de santé et les entreprises doivent donc trouver des solutions inclusives pour garantir que la télésurveillance ne soit pas réservée à une minorité mais devienne accessible à tous.

De plus en plus de solutions remboursées

Afin de développer des usages et d’évaluer le remboursement d’actes de télésurveillance, un programme d’expérimentation a été mis en place en 2014 : ETAPES (Expérimentations de Télémédecine pour l’Amélioration des Parcours en Santé). Ce programme a encouragé et soutenu financièrement le déploiement de projets de télésurveillance sur l’ensemble du territoire autour de cinq pathologies : insuffisance rénale, insuffisance respiratoire, diabète, insuffisance cardiaque et prothèses cardiaques implantables.

Depuis juillet 2023, le programme ETAPES est terminé pour ouvrir une généralisation de la télésurveillance et le financement par l’assurance maladie dans le droit commun autour des cinq indications de cette phase d’expérimentation en y ajoutant l’oncologie.

Concernant ce financement, deux montants forfaitaires par patient sont remboursés : un forfait versé à l’opérateur de télésurveillance et un forfait versé à l’exploitant du dispositif médical numérique. Les tarifs des forfaits techniques sont fixés au regard de l’intérêt organisationnel ou de l’intérêt clinique qui peuvent être attendus de l’activité de télésurveillance médicale. L’intérêt clinique est apprécié au regard des impacts sur la qualité de vie, la morbidité ou la mortalité.

La prestation médicale de télésurveillance est évaluée par la Haute Autorité de santé (HAS) en fonction du bénéfice clinique démontré ou d’un intérêt organisationnel démontré.

Plusieurs solutions et plateformes de télésurveillance ont obtenus un remboursement au cours des derniers mois. À titre d’exemple, Resilience a obtenu en novembre 2023 l’Avis favorable de la Haute Autorité de Santé (HAS) pour l’inscription en nom de marque de son dispositif de télésurveillance en oncologie. Cet été, la commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé (Cnedimts) a rendu un avis favorable à l’inscription au remboursement sous nom de marque de My Diabby, plateforme de télésurveillance dans le diabète gestationnel non traité par insuline.

L’entrée dans le droit commun joue un rôle d’accélérateur du déploiement de la télésurveillance en France. Malgré quelques défis, notamment éthiques, les bénéfices pour le suivi des patients ou l’organisation des soins sont évidents et l’avenir de cette pratique de télésanté prometteur.

Rémy Teston
Consultant digital / Expert e-santé – Buzz E-santé