Cabines et bornes de téléconsultation : véritable solution pour faciliter l’accès aux soins ?

La téléconsultation en France a connu un déploiement progressif, accélérée par la crise sanitaire mais avec une pérennisation des usages difficile. Pour développer ces usages et apporter une réponse aux difficultés d’accès aux soins, les cabines et bornes de téléconsultation apparaissent comme une solution non sans soulever quelques débats. Décryptage.

Image d’une cabine de téléconsultation générée par Intelligence artificielle. (Crédit : Dall-E Open AI)

Commençons par un retour sur la définition de la téléconsultation. Pour le ministère de la Santé et de la Prévention, il s’agit d’une « consultation à distance entre un professionnel médical (un médecin, une sage-femme, un chirurgien-dentiste) et son patient via l’utilisation des technologies de l’information et de la communication. Il est recommandé par la HAS que les téléconsultations soient réalisées par vidéotransmission. Lors de la téléconsultation, le patient peut être assisté d’un professionnel de santé (pharmacien ou infirmier par exemple, dont l’accompagnement est remboursé par l’Assurance maladie) ou par un proche qu’il aura désigné ».

Une solution pour développer les usages de la téléconsultation ?

Un des enjeux aujourd’hui est de déployer la téléconsultation sur tout le territoire, auprès de tous les Français. Pour y contribuer émergent des bornes et cabines de téléconsultation. Un des principaux avantages de cette pratique est de fluidifier le flux et parcours patient ainsi que faire gagner du temps au praticien.

Concrètement, dans des maisons de santé, des Ehpad ou autres établissements de santé, ces solutions permettent deux types d’usages :

  • recueillir un certain nombre de constantes en amont d’une consultation médicale (bilan autonome) permettant de dégager du temps qualitatif pour l’échange soignant-soigné ;
  •  réaliser une téléconsultation avec un praticien en visioconférence.

On peut citer comme exemple la cabine H4D qui propose un espace fermé pour garantir la confidentialité des échanges, des objets connectés pour réaliser la prise de constante et un écran de visioconférence pour échanger avec un médecin. À noter que ce type de cabines se déploient également progressivement dans le cadre de la médecine du travail pour le suivi de la santé des salariés.

Vif débat sur les lieux d’implantation de ces cabines de téléconsultation

En novembre dernier, un vif débat a été lancé autour de l’implantation des cabines de téléconsultation suite à l’annonce de la SNCF d’ouvrir 300 cabines de téléconsultation dans les gares d’ici 2028.

Ce projet a déclenché une levée de boucliers de la communauté médicale et une désapprobation de l’Assurance maladie par la voix de son directeur Thomas Fatôme : « Le fait que des acteurs se soucient de l’accès aux soins est en soi une bonne nouvelle. Cependant, nous l’avons déjà dit officiellement dans notre rapport annuel « Charges et Produits », nous ne sommes pas favorables à l’installation de cabines de téléconsultation en dehors des lieux de soins. La présence de professionnels de santé et la connexion au parcours de soins de l’offre de téléconsultation sont primordiales. »

Face à ces débats autour de l’implantation des cabines de téléconsultation, et saisie par la Direction générale de l’offre de soins (DGOS), la Haute Autorité de Santé (HAS) a publié en mars dernier des recommandations relatives aux lieux et conditions d’environnement pour la réalisation d’une téléconsultation ou d’un télésoin de qualité.

« Ces recommandations établissent des critères opérationnels visant à garantir la qualité, la sécurité et l’accessibilité des soins. Pour les établir en cohérence avec la réalité des usages et des pratiques, la HAS a mobilisé l’ensemble des acteurs concernés (professionnels de santé, associations de patients, industriels et sociétés de la télésanté, institutionnels, etc.), notamment via des visites sur le terrain et une consultation publique qui s’est déroulée du 8 au 22 janvier 2024 », explique la HAS dans un communiqué.

La HAS indique que le déploiement de toute activité de téléconsultation ou de télésoin doit être conduit de manière à :

  • assurer la qualité, la continuité et la sécurité des soins ;
  • favoriser l’accès aux soins, en proposant une offre de soins complémentaire de l’offre de soins en présentiel ;
  • préserver l’offre de soins en présentiel ;
  • éviter toute dérive commerciale.

En s’appuyant sur ces quatre grandes lignes directrices, la HAS émet trois recommandations spécifiques :

  • Le lieu d’implantation d’un équipement de de téléconsultation ou de télésoin doit garantir l’accessibilité, la qualité et la sécurité des soins.
  • L’exploitant doit assurer le bon fonctionnement de l’équipement de télésanté.
  • Une personne responsable de l’équipement de télésanté doit être présente sur place.

Une véritable réponse aux problématiques d’accès aux soins ?

Face aux difficultés d’accès aux soins et aux déserts médicaux de plus en plus présents, le déploiement de la téléconsultation en officine depuis septembre 2019, permet l’accès aux téléconsultations à l’ensemble de la population en bénéficiant du maillage territorial des pharmacies. On observe ainsi le déploiement de bornes ou cabines de téléconsultation, respectant un cadre réglementaire précis :

  • Les téléconsultations doivent obligatoirement être réalisées par vidéotransmission dans des conditions permettant de garantir la sécurisation des données transmises et la traçabilité des échanges.
  • Le pharmacien doit disposer d’un local fermé pour mener cette activité, de façon à garantir la confidentialité des échanges et l’intimité des patients.
  • Ce local doit disposer des équipements nécessaires, adaptés aux situations cliniques des patients, afin de garantir la réalisation d’une téléconsultation de qualité.

Comme l’indique l’Assurance maladie, « le pharmacien a pour rôle d’assister le professionnel de santé dit le “téléconsultant” dans la réalisation de certains actes participant à l’examen clinique et éventuellement d’accompagner le patient dans la bonne compréhension de la prise en charge proposée. »

Outre l’équipement nécessaire à la vidéotransmission et à la bonne installation des patients, le pharmacien doit a minima se doter des équipements suivants : stéthoscope connecté, otoscope connecté, oxymètre, tensiomètre.

Les acteurs de ce marché développent différents formats pour s’adapter à toutes les tailles d’officines tout en permettant le respect du cadre réglementaire. Par exemple, un des leaders du marché, l’entreprise Medadom propose des cabines, bornes ou consoles ergonomiques pour déployer la téléconsultation dans toutes les officines.

Le déploiement des bornes ou cabines de téléconsultation doit donc favoriser les usages autour de la télémédecine sur l’ensemble du territoire et contribuer à l’accès aux soins. Cependant, il ne faut pas que cela entraîne une baisse de qualité dans l’accompagnement des patients ni une médecine à deux vitesses.

Rémy Teston
Consultant digital / Expert e-santé – Buzz E-santé