La reconnaissance faciale connaît une adoption croissante dans notre société. Le monde de la santé n’échappe pas à cette nouvelle tendance. Tour d’horizon des usages en santé.
Les technologies envahissent progressivement dans le monde de la santé. Parmi elles, la reconnaissance faciale, avec un certain nombre d’usages au niveau de la recherche, de l’identification des patients ou du suivi à l’hôpital.
Pour entrer dans le vif du sujet, il convient de commencer par une simple définition. Dans son rapport « Reconnaissance faciale : pour un débat à la hauteur des enjeux », la CNIL définit la reconnaissance faciale comme « une technique informatique et probabiliste qui permet de reconnaître automatiquement une personne sur la base de son visage, pour l’authentifier ou l’identifier ».
«La reconnaissance faciale appartient à la catégorie plus large des techniques biométriques. La biométrie regroupe l’ensemble des procédés automatisés permettant de reconnaître un individu à partir de la quantification de ses caractéristiques physiques, physiologiques ou comportementales (empreintes digitales, réseau veineux, iris, etc.). Ces caractéristiques sont qualifiées de « données biométriques » par le RGPD, parce qu’elles permettent ou confirment l’identification unique de cette personne », complète l’autorité administrative.
Aujourd’hui la reconnaissance faciale est une technologie qui apporte une nouvelle solution pour les généticiens dans le diagnostic de certaines pathologies. Elle permet notamment de détecter les maladies génétiques rares plus rapidement pour démarrer un traitement approprié.
Un exemple concret : des chercheurs du FNDA de Boston ont créé l’application Face2Gene, qui grâce à un système de reconnaissance faciale et d’intelligence artificielle serait capable d’identifier des centaines de maladies différentes. Via la technologie du Deep Learning et l’enregistrement d’un grand nombre d’images de visages de patients en spécifiant la maladie dont ils sont atteints, l’application peut reconnaître une pathologie en se basant sur le visage.
Autres exemples avec certains syndromes génétiques rares, comme le syndrome de Down, le syndrome de Williams ou le syndrome de Noonan, présentent des caractéristiques faciales distinctives. Des applications de reconnaissance faciale peuvent analyser des photos et aider à la détection précoce de ces syndromes, ce qui est particulièrement utile pour les médecins généralistes ou dans les zones médicalement sous-dotées.
Pour simplifier le triage des patients à l’arrivée et optimiser l’orientation dans le parcours de soin, des hôpitaux expérimentent la reconnaissance faciale. En Chine, les hôpitaux de Shanghai ont appliqué un système de reconnaissance faciale et un contrôle de température aux entrées. La technologie aide à vérifier les patients et décourage également les mauvais comportements dans les hôpitaux.
Un des cas d’usages à l’hôpital est la surveillance des patients hospitalisés en unités de soins intensifs. Des caméras équipées de reconnaissance faciale peuvent surveiller les expressions des patients, détecter des signes de souffrance, et alerter le personnel médical en cas de besoin. Cela peut aussi aider à surveiller la progression de l’état de santé d’un patient, en observant des indicateurs indirects de douleur ou de détresse, contribuant ainsi à un soin plus personnalisé.
Une expérimentation a été menée à l’hôpital de Yokohama, combinant la reconnaissance faciale et un système automatisé, capable de prédire, avec une précision satisfaisante, quand les patients en unité de soins intensifs encourent un risque élevé, tel que le retrait accidentel de leur tube de respiration.
D’autres usages émergent à l’hôpital, notamment en Chine où la reconnaissance faciale est omniprésente. L’Hôpital populaire provincial du Jiangxi a par exemple introduit la reconnaissance faciale pour permettre aux patients de payer leurs factures médicales via le système Alipay. Autre exemple avec les hôpitaux de Beijing qui utilisent la technologie de reconnaissance faciale pour lutter contre les inscriptions frauduleuses. L’objectif est d’éliminer la vente illégale de consultations dans les hôpitaux.
La reconnaissance faciale est également utilisée pour évaluer et gérer la douleur des patients, en analysant les expressions faciales associées à la douleur, telles que les grimaces ou les tics. Cette technologie est particulièrement utile pour les patients qui ne peuvent pas communiquer leur douleur de manière verbale, comme les jeunes enfants, les personnes âgées souffrant de démence ou les patients en soins intensifs.
La reconnaissance faciale peut également jouer un rôle dans le diagnostic et le suivi de certaines maladies, en particulier les troubles neurologiques. Elle contribue à suivre l’évolution des troubles neurologiques, comme la maladie de Parkinson ou la sclérose en plaques. En observant les changements subtils dans les expressions faciales et les mouvements, il serait possible de détecter des symptômes précoces ou de surveiller la progression de la maladie.
Cette technologie est également explorée pour son potentiel dans l’évaluation de la santé mentale. En analysant les expressions faciales et les micro-expressions, elle peut détecter des signes de dépression, d’anxiété ou d’autres troubles mentaux. Par exemple, certains logiciels peuvent analyser les signes subtils de tristesse ou de manque de réactivité émotionnelle, qui sont parfois présents chez les patients souffrant de dépression. De telles analyses peuvent aider les professionnels de santé mentale à évaluer plus rapidement les signes de trouble chez leurs patients et, dans certains cas, à identifier ceux qui nécessitent une attention immédiate, comme les personnes en risque de crise suicidaire.
Exemple avec le miroir BMind de Baracoda, le premier miroir connecté avec une intelligence artificielle qui accompagne les utilisateurs en recherche d’un meilleur équilibre mental et émotionnel. En véritable compagnon de santé au quotidien, le miroir reconnaît les différentes humeurs de l’utilisateur et propose des expériences personnalisées pour le bien-être mental.
Cette nouvelle technologie se déploie de plus en plus dans le domaine de la dermo-cosmétique avec la création de miroirs intelligents connectés. Un exemple concret est la solution Poseidon de la société Care Os qui permet notamment d’analyser sa peau, d’obtenir des recommandations de produits ou de détecter des points noirs et autres imperfections de la peau.
Autre exemple avec l’Oréal qui a développé l’application Spotscan+ pour sa marque La Roche-Posay qui analyse le visage, scanne la peau, identifie les imperfections et détermine le grade de tendance acnéique.
La reconnaissance faciale peut également apporter des services aux patients comme un accès simplifié à des solutions e-santé ou à ces données de santé. A titre d’exemple, la NHS au Royaume-Uni a déployé un module de reconnaissance faciale au sein de ses applications mobiles pour faciliter l’accès aux patients à un certain nombre de services : rendez-vous médicaux, accès aux dossiers médicaux ou le renouvellement des ordonnances.
Bien que prometteuse, l’utilisation de la reconnaissance faciale en santé pose de nombreuses questions.
Les données biométriques, comme celles utilisées en reconnaissance faciale, sont parmi les informations les plus sensibles. Une fuite de ces données peut entraîner des violations de la vie privée et des conséquences graves pour les individus concernés. Dans le domaine de la santé, la confidentialité des données est déjà un enjeu complexe en raison des informations médicales hautement personnelles. La reconnaissance faciale ajoute une couche de risque, car une fois les données biométriques compromises, elles sont irrécupérables et irréversibles : on ne peut pas « changer » son visage comme on changerait un mot de passe. Il est donc essentiel de mettre en place des mesures de protection des données robustes et conformes aux réglementations en vigueur, comme le RGPD.
La question de la précision est également centrale. Les systèmes de reconnaissance faciale doivent être très précis pour éviter les erreurs dans le domaine médical. Une identification incorrecte d’un patient pourrait entraîner des conséquences graves, comme une mauvaise administration de traitements ou de diagnostics. De plus, de nombreux algorithmes de reconnaissance faciale sont sujets à des biais, notamment en fonction des groupes ethniques, du genre et de l’âge.
Enfin, l’acceptabilité sociale de cette technologie reste à évaluer. L’introduction de la reconnaissance faciale dans les établissements de santé suscite des inquiétudes quant à la surveillance et à l’intrusion dans la vie privée des patients. Beaucoup de personnes pourraient percevoir la reconnaissance faciale comme une forme de surveillance excessive, créant un sentiment d’inconfort et de méfiance envers le système de santé..
La technologie de la reconnaissance faciale émerge peu à peu dans le monde de la santé. Elle peut simplifier certains diagnostics, optimiser le parcours à l’hôpital ou apporter des services pour le patient. Au-delà de ces avantages, cette technologie soulève de nombreux débats autour d’enjeux éthiques et de sécurité. Sans doute un frein à un déploiement à plus grande échelle pour le moment.
Rémy Teston
Consultant digital / Expert e-santé – Buzz E-santé
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