e-santé : 5 tendances à suivre en 2024

En cette fin d’année, l’heure est à la projection sur l’année 2024 et les principaux impacts technologiques dans le monde de la santé. Découvrez cinq tendances à suivre l’année prochaine dans le numérique santé.

Notre expert e-santé fait le point sur les cinq tendances à suivre en 2024. (Crédit : AdobeStock)

IA, IA et… toujours plus d’IA

2023 a été l’année de l’émergence des IA génératives et de la découverte du potentiel de cette technologie. 2024 sera l’année de la confirmation avec la création de véritables usages, notamment en santé.

De nombreux acteurs de santé ont déjà mené des expérimentations autour de cette technologie, que cela soit au niveau de la rédaction de contenus scientifiques, de la création de contenus de formations (génération automatique de cas cliniques, par exemple) ou de l’accès à l’information.

À titre d’exemple, certains industriels déploient des solutions d’IA génératives internalisées en boucle fermée pour permettre aux équipes d’accéder rapidement aux bases de données de l’entreprise.

Au-delà des IA génératives, l’utilisation de l’intelligence artificielle s’est accélérée dans le domaine de la santé sur différents leviers. Elle est aujourd’hui omniprésente au sein des équipes de R&D dans les instituts de recherche ou au sein des industriels de santé pour accélérer la découverte de nouvelles molécules (drug design, essais in silico…), ou optimiser les essais cliniques.

Au niveau de la pratique médicale, on observe le déploiement de nombreuses solutions pour aider dans l’orientation diagnostic du patient (systèmes d’aide à la décision), l’analyse et l’interprétation des données patients, la réduction des erreurs médicales (plateformes de médication intelligence), simplifier l’accès aux actualités scientifiques ou accompagner la prise en charge et le suivi du patient (télésurveillance, objets connectés intelligents).

Aujourd’hui, les radiologues se sont rapidement emparés de ces technologies, en créant notamment un consortium DRIM France IA : meilleures performances diagnostic, détection précoce de maladie ou automatisation de tâches répétitives. Les autres spécialités vont progressivement intégrer cette technologie dans leur pratique notamment au bloc opératoire, dans les services d’urgence ou en anatomopathologie.

De nombreux autres usages vont se développer au niveau de l’anamnèse, de la gestion hospitalière, du virage ambulatoire ou du suivi des patients.

Accélération dans la formation au numérique des soignants

Un des principaux freins au développement du numérique santé est le manque de formation ou de connaissance des soignants sur les solutions ou services à disposition. C’est pourquoi l’acculturation et la formation des professionnels de santé est une des priorités de la feuille de route du numérique en santé 2023-2027.

Au niveau de la formation initiale, un retard va être comblé avec l’arrêté du 10 novembre 2022 qui rend la formation aux compétences numériques en santé obligatoire pour 12 formations médicales et paramédicales à compter de la rentrée universitaire 2024. Cela devrait permettre d’augmenter significativement les connaissances numériques des jeunes praticiens.

Reste le sujet de la formation continue qui doit encore accélérer pour développer les compétences des soignants. En 2024, des programmes en région via les GRADeS (Groupement Régional d’Appui au Développement de la e-Santé) sous forme d’ateliers ou modules de formation vont être déployés.

D’autres solutions, actuellement en expérimentation, comme la plateforme Pix+ Professionnels de santé doit permettre aux soignants d’évaluer, de développer, et certifier leurs compétences numériques. Au total, cinq grands domaines sont abordés dans ce module pour maîtriser les compétences numériques essentielles aux métiers de la santé : données de santé, cybersécurité, communication en santé, outils numériques en santé (DMP, Mon espace santé, ordonnance numérique…) et télésanté.

Vers un phénomène de concentration

Au cours de l’année 2023, les redressements judiciaires et fin de vie de start-up se sont multipliés dans la French Tech, notamment en raison de la crise des financements et l’absence de véritables modèles économiques pérennes. Le secteur de la santé n’a pas échappé pas à cette tendance.

Au-delà de ces aspects économiques, le cadre réglementaire et juridique n’est pas propice à l’accès au marché et au développement de toutes ces solutions pour la plupart prometteuses. Un entrepreneur passe une grande partie de son temps à répondre aux exigences réglementaires plutôt qu’à développer ses solutions, son business et créer des usages.

Ces difficultés pour les entrepreneurs à pérenniser leurs solutions entrainent un phénomène de concentration avec des fusions ou rachats d’acteurs du numérique santé. À titre d’exemple, des acteurs comme Cegedim Santé ou Docaposte ont multiplié les acquisitions pour renforcer leurs positions.

Autre phénomène lié, l’essor de super apps qui simplifient les usages pour les professionnels de santé ou les patients mais qui contribuent à faire disparaître tout un écosystème de solutions. Le meilleur exemple reste Doctolib qui étend de plus en plus sa toile avec une offre complète pour les médecins (secrétariat médical, téléconsultation, gestion de cabinet, messageries sécurisées…). Un acteur comme Résilience devrait devenir rapidement une super app pour accompagner les patients en oncologie.

Des phénomènes qui vont se poursuivre voire s’accélérer en 2024.

Essor du marché des bagues connectées et des montres connectées de plus en plus santé

Nous avons vu dans un article précédent que le marché des wearables est en pleine expansion, au service de la prévention et du suivi patient. Au sein de ce marché, le segment des bagues intelligentes est en plein essor avec le lancement de nouvelles bagues connectées pour le suivi de sa santé.

Ces bagues intelligentes permettent notamment une détection précoce des maladies, une gestion du sommeil, le suivi d’activité, la surveillance de sa santé cardiovasculaire ou la mesure du stress.

L’arrivée en 2024 de nouvelles bagues connectées par des grands acteurs du numérique (Galaxy Ring par Samsung ou le projet d’Apple Ring) va développer les usages et favoriser la croissance de ce marché.

En parallèle, le marché des montres connectées continue de croître porté notamment par l’Apple Watch. Depuis son lancement, l’Apple Watch intègre de nombreuses fonctionnalités pour le suivi et la gestion de sa santé : activité physique, rythme cardiaque, cycle menstruel, sommeil… Aujourd’hui, elle intègre près de 17 paramètres de suivi de sa santé. D’autres fonctionnalités sont annoncées autour des maladies respiratoires, de la détection au suivi.

De nouvelles montres connectées à l’initiatives de grands acteurs de la tech comme la Pixel Watch 2 de Google ou la Watch GT de Huawei font une part belle au suivi de santé et de son bien-être : suivi activité et du sommeil, fréquence cardiaque, température cutanée ou signes de stress.

L’enjeu de la sobriété numérique

En mai dernier, le gouvernement a dévoilé sa feuille de route « Planification écologique du système de santé » qui dresse le constat de l’impact important du secteur de la santé dans l’empreinte carbone nationale et liste les domaines d’action. Parmi les champs d’action, l’impact énergétique du numérique fait partie des priorités. En effet, dans le secteur de la santé, le numérique pollue de plus en plus chaque année (+6% par an) et représente aujourd’hui 2% de la consommation énergétique de toute la France.

L’impact environnemental des solutions numériques santé deviendra une priorité en 2024 et plusieurs engagementssont actés par le gouvernement :

  • Promouvoir l’achat des équipements et matériels numériques issus de l’économie circulaire ;
  • Favoriser l’achat de dispositifs éco-conçus ;
  • Lutter contre l’« obésiciel » et promouvoir la désinstallation des services inutilisés et le nettoyage des serveurs et des ordinateurs afin d’éviter l’accumulation de déchets numériques qui consomment de l’énergie ;
  • Promouvoir les démarches d’écoconception et favoriser l’élaboration de logiciels moins énergivores ;
  • Calculer et contrôler les impacts environnementaux des services numériques en santé (services de calcul d’éco-scores des solutions) ;
  • Lutter contre l’obsolescence en proposant de ne pas renouveler le matériel toujours fonctionnel ;
  • Promouvoir les actions permettant de maîtriser la consommation énergétique des data-centers et de certains matériels médicaux ;
  • Mesurer et maîtriser les volumes des données échangées (toutes les données personnelles ne sont peut-être pas pertinentes dans le cadre d’études cliniques ou populationnelles) ;
  • Évaluer le bénéfice santé réel d’un dispositif numérique innovant avant de le mettre en place, en comparaison du risque environnemental qu’il représente et des éventuels effets rebonds.

Évidemment, il existe beaucoup d’autres tendances mais difficile de toutes les citer. On peut toutefois identifier des sujets autour de la télésanté, des thérapies numériques, de la detox digital au service de la santé mentale, l’émergence de robots humanoïdes au service de la silver économie ou l’essor des neuroprothèses. À suivre en 2024 !

Rémy Teston
Consultant digital / Expert e-santé – Buzz E-santé